Patrick Blandin est Professeur Emérite du Muséum National d’Histoire Naturelle. Il est entré en 1988 au Muséum comme Professeur, directeur du Laboratoire d’Ecologie Générale, fonction qu’il a exercée jusqu’en 1998. De 1994 à 2002, il a été le premier directeur de la Grande Galerie de l’Evolution du Muséum. Il a en outre dirigé le Laboratoire d’Entomologie, de 2000 à 2002. Le Muséum étant entré dans une phase de réorganisation, Patrick Blandin a été chargé de la direction, à titre provisoire, du Département du Musée de l’Homme, en 2002-2003. Il a ensuite rejoint le Département Hommes-Natures-Sociétés du Muséum, pour mener des recherches sur l’histoire et la philosophie de l’écologie, de la conservation de la nature et de la gestion de la biodiversité. En même temps, il a repris ses recherches, longtemps délaissées, sur la systématique, la biogéographie et l’évolution de papillons sud-américains, en particulier grâce à des missions de terrain au Pérou, où il se rend chaque année depuis 2005.
Patrick Blandin a été impliqué dès 1989 dans la conception de la Grande Galerie de l’Evolution, comme responsable du thème « L’Homme, facteur d’évolution ». La même année, le Professeur Jean Dorst l’a associé à un travail, sollicité par l’Office National des Forêts, sur l’avenir du massif forestier de Fontainebleau : ensemble, il proposèrent la création d’une Réserve de Biosphère du Programme Man And Biosphere (MAB) de l’UNESCO, projet qui fut réalisé en 1998.
Patrick Blandin s’est ainsi engagé dans une réflexion sur la protection de la nature qu’il n’a cessé de développer, d’autant plus qu’il lui a été demandé de présider à la création, en 1992, du Comité Français de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN).
En outre, très tôt, il s’était intéressé à l’épistémologie des sciences de la vie, puis plus précisément de l’écologie. Cela l’a conduit à diriger au Muséum, de 1990 à 1995, la thèse de philosophie de l’écologie de Donato Bergandi. Sa réflexion, nourrie d’expériences concrètes, en particulier une expertise délicate, l’affaire de l’autoroute A 28, entre le Mans et Tours, dont la construction était bloquée suite à la découverte d’une espèce d’insecte protégée, l’a conduit à s’intéresser de plus en plus à la dimension philosophique, éthique, de la conservation de la nature.
Les années de formation
Il y a une soixantaine d’années, petit garçon, Patrick Blandin était déjà passionné par les papillons. Son grand-père paternel l’emmenait à la campagne, dans les environs de Saint-Malo, en Bretagne, pour en attraper. Son père l’aida à commencer une collection et lui acheta des livres sur les insectes. Il y découvrit la splendeur des espèces exotiques, et sa vocation prit définitivement corps : il ferait des sciences naturelles pour se consacrer aux papillons.
Après avoir obtenu le baccalauréat, d’abord en Sciences Expérimentales en 1960, puis en Mathématiques Elémentaires en 1961, il prépara les concours d’entrée de Grandes Ecoles à dominante de sciences naturelles : les Ecoles Nationales d’Agriculture et l’Institut National Agronomique. Après une première année de classe préparatoire au Lycée Chateaubriand, à Rennes, dont il profita pour obtenir le baccalauréat en Philosophie, il entra en deuxième année au Lycée Saint-Louis, à Paris. Son Professeur de Sciences Naturelles le poussa à se présenter au concours de l’Ecole Normale Supérieure (ENS), section Sciences Expérimentales. Reçu en 1963 aux Ecoles d’Agriculture, à l’Institut National Agronomique et à l’ENS, il choisit celle-ci, pour s’y former en sciences naturelles. Il obtint successivement une licence d’enseignement (1965), un diplôme d’études approfondies en entomologie (1966), et l’Agrégation des Sciences Naturelles (1967).
Papillons et araignées
A l’ENS, il fit connaissance d’un enseignant-chercheur, Henri Descimon, entomologiste, qui l’aida à commencer une collection scientifique et lui conseilla de se spécialiser sur des papillons d’Amérique Tropicale. Sa première publication, sur un papillon du Pérou, date de 1968. D’autres suivirent et, en 1988, Patrick Blandin publia, en anglais, la première partie d’une étude d’ensemble des papillons du genre Morpho, les grands papillons bleu brillant d’Amazonie. La deuxième partie suivit en 1993…Mais trop de responsabilités administratives empêchèrent la poursuite du travail, repris seulement en 2003. En 2007, la troisième et dernière partie fut publiée. Patrick Blandin est ainsi devenu le spécialiste mondial de ces papillons.
Patrick Blandin a mené ses travaux en entomologie, en quelque sorte en amateur, en parallèle avec bien d’autres recherches. En effet, sa Thèse de Doctorat, commencée en 1969 et soutenue en 1981, portait sur l’écologie des araignées dans une savane d’Afrique de l’Ouest. Elle s’inscrivait dans le vaste programme d’étude de la structure et du fonctionnement de cette savane, dirigée par le Professeur Maxime Lamotte, directeur du Laboratoire de Zoologie de l’ENS, l’un des fondateurs de l’écologie française. Pour ce travail, Patrick Blandin se forma à la systématique des Araignées. Il se forma en même temps à l’écologie, effectuant en 1971, 1973 et 1974 trois séjours, de six mois au total, à la Station d’Ecologie Tropicale de Lamto, en Côte d’ivoire.
La forêt de Fontainebleau
Après avoir été « Agrégé-Préparateur », c’est-à-dire assistant de Zoologie, à l’ENS de 1967 à 1973, il était nommé Maître-Assistant d’Ecologie à l’Université Pierre et Marie Curie (Paris 6), toujours sous la responsabilité du Professeur Lamotte. En 1975, l’ENS lui confia la responsabilité d’une propriété située en bordure du massif forestier de Fontainebleau, pour en faire ce qui est devenu la Station Biologique de Foljuif, à Saint-Pierre-lès-Nemours. Tout en préparant sa thèse sur ses araignées africaines, Patrick Blandin organisa une équipe d’écologie forestière, avec des étudiants, dont deux furent recrutés par le CNRS.
L’équipe de Foljuif, spécialisée en faune du sol, travailla notamment à la recherche d’indicateurs biologiques de la fréquentation des forêts périurbaines, en forêt de Fontainebleau et en forêt de Montmorency. Cela valut à Patrick Blandin, en 1980, d’être sollicité par le Programme Interdisciplinaire de Recherches en Environnement (PIREN) du CNRS pour monter un « observatoire des changements écologiques, sociologiques et économiques relatifs aux forêts périurbaines ». Il anima ce projet, qui mobilisait des équipes de plusieurs établissements, avec le sociologue Jean-Louis Fabiani, jusqu’en 1984. Ce fut un premier apprentissage de l’interdisciplinarité, à la suite duquel il participa à la préparation d’un ouvrage collectif, dirigé par le sociologue Marcel Jollivet, publié en 1992 par le CNRS sous le titre « Sciences de la nature, Sciences de la société. Les passeurs de frontière ». Parallèlement, à partir de 1983, il assura la direction de l’inventaire des Zones Naturelles d’Intérêt Ecologique, Faunistique et Floristique pour la Région Ile-de-France.
De 1992 à 1994, avec le biogéographe et historien des forêts Paul Arnould, Patrick Blandin anima un nouveau programme interdisciplinaire, consacré cette fois à l’histoire, aux usages et au devenir des îlots boisés dispersés entre les massifs forestiers de Fontainebleau et d’Orléans.
L’enseignement
Tout au long de sa carrière, Patrick Blandin a assuré de nombreux enseignements en Zoologie, en Biologie Générale, en Ecologie, en Biogéographie, à l’ENS, à l’Université Paris 6, ainsi que dans les Universités Paris 1 et Paris 7. Il a également assuré diverses formations professionnelles, en particulier pour l’Office National des Forêts.
A partir de 1974, à la demande du Professeur Lamotte, Patrick Blandin a participé à un Cours Post-Universitaire créé en 1969 par la Commission Nationale Française pour l’UNESCO, intitulé « Etude et aménagement des milieux naturels », destiné à des étudiants et jeunes professionnels de pays en développement. En 1994, cette formation, transformée entre temps en Diplôme d’Enseignement Supérieur Spécialisé, devenait la première Chaire UNESCO française, sous le titre « Développement et Aménagement Intégré des Territoires ». En 2004, Patrick Blandin œuvra pour lier cette formation au Master que créait le Muséum : elle est aujourd’hui intégrée dans une spécialité interdisciplinaire intitulée « Environnement, Développement, Territoires et Sociétés ». A la demande de la Commission Nationale Française pour l’UNESCO, il a coordonné l’édition, en 2009, d’un document présentant l’expérience des Chaires UNESCO basées en France en matière de formation des acteurs du développement durable, qui a été diffusé à l’occasion des conférences mondiales organisées en 2009 par l’UNESCO, à Bonn sur l’éducation au développement durable, à Paris sur l’enseignement supérieur.
L’éthique de la conservation de la nature
L’interdisciplinarité sciences de la nature – sciences humaines a ainsi constitué une part importante de l’activité scientifique de Patrick Blandin. Ses expériences, en recherche, en enseignement, sa participation à la conception de la Grande Galerie de l’Évolution, ses expertises, l’ont convaincu que l’écologie ne peut être une science se limitant à l’étude d’écosystèmes tenus à l’abri des « perturbations » d’origine humaine, ce qu’elle a été trop longtemps : la dynamique des écosystèmes et de la biodiversité ne peut se comprendre sans étudier les interactions hommes- nature, si bien que la question de l’avenir de l’ensemble des espèces et des systèmes écologiques qui forment la Biosphère est doublement éthique. Premièrement, parce qu’elle est indissociable de la question du devenir de l’humanité, deuxièmement, parce que l’avenir de la biodiversité dépendant des décisions humaines, le problème des valeurs que les humains doivent accorder aux espèces et aux systèmes écologiques se pose immanquablement.
Convaincu que la conservation de la biodiversité doit être conçue dans une perspective explicitement évolutionniste, Patrick Blandin a été à l’origine, en 2004, avec le spécialiste de la faune sauvage François Moutou, de la mise en œuvre par l’UICN, au niveau international, d’un projet d’éthique de la conservation de la biodiversité, projet dont il est depuis 2008 l’un des quatre « Co-Chairs, avec des collègues des USA, du Brésil et d’Afrique du Sud.
Après de nombreux ateliers internationaux, le projet a été officialisé par l’UICN en 2010, dans le cadre de l’Année Internationale pour la Biodiversité. Dans ce contexte, Patrick Blandin a publié en 2010, chez Albin Michel, un ouvrage intitulé « Biodiversité, l’avenir du vivant », honoré la même année par un Grand Prix de l’Académie Française. Il a également contribué à la rédaction de la « vision » de la nouvelle Stratégie Nationale pour la Biodiversité, adoptée en 2011. Il est aujourd’hui membre de l’Ethics Specialist Group de la Commission du Droit de l’Environnement de l’UICN.